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Décryptage de Martial Archenault, Directeur d’ENGIE Lab Cylergie

Le traitement de l’air fait partie des domaines dont l’importance a été mise en exergue au cours de la crise sanitaire, en raison de la transmission aéroportée du SARS-CoV-2. Quelle que soit la nature des bâtiments, ce sujet fait partie des expertises historiques d’ENGIE Solutions qui intègre l’ingénierie, l’installation et l’exploitation de ces équipements. Le point sur ses enjeux avec Martial Archenault, directeur d’ENGIE Lab Cylergie, centre de recherche des métiers de service à l’énergie d’ENGIE, qui étudie notamment les moyens d’optimiser les systèmes de traitement de l’air.

Quelle est la fonction des systèmes de traitement d’air ?

Basiquement, le traitement d’air assure une fonction de confort. L’air traité, conditionné, permet d’abord de chauffer ou de rafraîchir le bâtiment. Certains bâtiments imposent des contraintes plus spécifiques. Dans les ateliers de peinture, le traitement d’air est nécessaire pour des raisons de sécurité et de process. Dans les musées et les salles de concert, le taux d’humidité est important pour préserver les instruments et les œuvres d’art. Dans les blocs chirurgicaux, le traitement de l’air limite les risques de maladies nosocomiales. Dans les piscines, la régulation d’un « climat chaud et humide », énergivore, se double maintenant d’exigences sur la qualité de l’air. Cette prééminence de la qualité de l’air se généralise à tous les bâtiments.

Le traitement de l’air vise à éviter deux types de nuisance. D’une part, il s’agit de se protéger contre les particules issues de la pollution extérieure, notamment des particules fines ou très fines, et des particules allergènes. Cette pollution a un impact bien documenté sur la santé publique en termes de mortalité, morbidité et inconfort. Les systèmes de filtration actuelles permettent de la limiter fortement. Dans un bâtiment doté d’un système de traitement d’air performant, la qualité de l’air intérieur est donc significativement meilleure que celle de l’extérieur.

D’autre part, la pollution de l’air peut provenir de l’intérieur du bâtiment, à cause par exemple des composants présents dans le mobilier, les produits nettoyants, les peintures. Sur les produits de construction, cette pollution est en nette régression. La pollution peut par ailleurs provenir des utilisateurs du bâtiment eux-mêmes. C’est un sujet qui est apparu au premier plan de l’actualité avec la crise sanitaire que nous traversons, car des traces d’ARN viral (Acide Ribonucléique) se retrouvent dans l’air expiré des personnes malades. Dans ce contexte, le traitement de l’air joue un rôle clé, en particulier dans des espaces confinés comme les bâtiments mais aussi les moyens de transport. C’est donc un enjeu majeur pour limiter le risque de propagation du virus dans les milieux confinés.

Concrètement, en quoi consistent les systèmes de traitement de l’air ?

La quasi-totalité des bâtiments est équipée d’un système de traitement de l’air, hormis les bâtiments résidentiels. Les bâtiments tertiaires possèdent pour la plupart une centrale de traitement de l’air (CTA). Couplée à un réseau aéraulique, elle vise à retirer l’air vicié et à introduire de l’air neuf dans le bâtiment. C’est un système complexe et consommateur d’énergie, et ce d’autant plus s’il rejette à l’extérieur de l’air chauffé ou rafraîchi. Il y a donc toujours un équilibre à trouver entre la qualité de l’air, le confort et les dépenses énergétiques.

Les centrales de traitement de l’air comprennent un système de filtration. Plus le maillage est fin, plus il est capable de retenir de fines particules, plus il faudra « pousser » l’air en consommant de l’énergie, et plus le filtre sera vite saturé. Il y a donc là aussi un arbitrage à effectuer. Depuis quinze ans, nous avons triplé l’efficacité énergétique des moteurs et ventilateurs tout en utilisant des filtres de plus en plus fins. A consommation énergétique égale, l’efficacité du traitement de l’air est donc aujourd’hui bien supérieure. Par ailleurs, un filtre obstrué induit une surconsommation d’énergie et diminue le débit d’air. L’enjeu est donc de savoir repérer le moment optimal pour remplacer le filtre, grâce à des capteurs de particules et de pression suivis régulièrement.

Enfin, des systèmes spécifiques existent pour réguler l’humidité. Pour l’augmenter, on met de la vapeur dans des tuyaux d’air que l’on souffle dans la pièce. Pour déshumidifier l’air, on fait passer l’air sur du froid pour condenser l’eau, ce qui est plus complexe.

Quelles innovations et améliorations pouvons-nous espérer ?

Avec les équipes de Cylergie, nous travaillons sur l’usage optimisé de capteurs qui permettent d’appréhender différents paramètres de la qualité de l’air et de réguler le traitement d’air selon ces mesures. C’est un travail de métrologie (science de la mesure). Par exemple, nous avons récemment mis au point des capteurs de trichloramine dans les piscines, ce que personne ne savait mesurer en continu il y a encore deux ans. Autre exemple : des capteurs de particules pour optimiser le traitement de l’air dans les salles d’opérations chirurgicales. Le but est d’éviter une surconsommation d’énergie, car, très souvent, les bâtiments sont ventilés en permanence, sans adaptation aux besoins réels.

Cette adaptation aux besoins instantanés est l’une des évolutions majeures du traitement de l’air. Grâce à nos recherches antérieures, nous adaptons le traitement de l’air d’un amphithéâtre ou d’une salle de cinéma au nombre de personnes présentes. Les capteurs vont par exemple mesurer le taux de CO2 expiré et moduler le traitement en fonction. Nous travaillons aujourd’hui sur des systèmes de régulation plus intelligents, fonctionnant par anticipation.

De manière générale, l’importance des systèmes de traitement de l’air a largement été mise en valeur cette année par la crise du coronavirus. La population mesure mieux l’effet de la qualité de l’air pour la santé. On peut prévoir que, dans l’avenir, tous les nouveaux bâtiments tertiaires seront équipés de systèmes de traitement plus performants. Chez ENGIE, nous avons d’ailleurs proposé un ensemble de solutions pour aider les entreprises à sécuriser leur reprise d’activité. La prévention constitue le troisième axe de ce programme « bâtiment sain » (après la décontamination et la distanciation) et repose notamment sur le suivi en temps réel de la qualité de l’air. Il y a également un enjeu spécifique pour les bâtiments éducatifs qui n’en sont pas tous équipés, contrairement aux autres bâtiments tertiaires. En Italie et en Allemagne, depuis le début de la crise, les pouvoirs publics ont choisi d’investir dans la mise en place de systèmes d’aération dans les salles de classe. En France, pour aider les établissements, nous leur avons proposé des systèmes de mesure du CO2, pour identifier le moment où l’aération devient indispensable, ainsi que des unités mobiles d’ultra-filtration.

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